Quand j'ai appris que j'allais venir à Tahiti la première chose qui m'est venue en tête c'était Teahupoo.

Dès lors, je n'ai cessé d'y penser. Chaque jour depuis bientôt 3 mois.

Une fois dans l'avion, j'ai imaginé 1000 fois cette rencontre. Quelle allait être ma réaction ? J'accomplissais l'un de mes rêves les plus fous ! Quelle chance, c'était dingue ! Est-ce que l'émotion serait si forte ? Je m'imaginais même en pleurer le jour J.


Cette vague est bien plus qu'une vague. Et pas que pour moi.

C'est, pour beaucoup d'amoureux du surf, un mythe. Une beauté vénérée.

Depuis 20 ans, les photos la montrant sous son meilleur jour (souvent plus de 4m) ont inondé magazines de surf et Internet. Lorsque je la montre à des néophytes, ils croient à une supercherie, un montage, tellement sa forme est hors du commun, littéralement Extra-Ordinaire. Au contact de la dalle de récif, l'eau est comme aspirée pour s'élever d'un coup. L'écart de hauteur entre la dalle et le haut de la vague frôle l'illusion d'optique. Sa force est phénoménale.


En arrivant à la marina, j'aurai embrassé le sol (je ne l'ai pas fait :-) ) et un sourire béat et ma façon de parler à chaque marin ou à la secrétaire de la coopérative de pêche montraient mon excitation d'enfant la veille de Noël. Mon cadeau c'était Teahupoo.

Pourtant, et oui pourtant, comme souvent les dieux m'ont mis à l'épreuve.


1 - La vague ce jour là ne faisait que 1,50 ... ce qui est rare et vous l'imaginez beaucoup moins spectaculaire (un "petit" 3 m m'aurait comblé): Frustration

2 - Pas grave, je transforme mentalement cette première déconvenue. 1,50 ... mais c'est en fait aussi rare que GE-NI-AL. Je surfe du 1,50 m ! Je peux donc surfer Teahupoo !!!!!

Oui sauf que je n'ai pas de board (Depuis que je suis à Tahiti, je galère pour trouver une planche - ça fera sûrement le sujet d'un autre article) et le capitaine en rajoute une couche "c'est bête j'en ai une mais je ne savais pas qu'il fallait que je l'emmène". Aaaaaaarrrgh !!! : Double Frustration


Quelques photos de la vague (je suis tout de même hyper heureux) et nous partons en excursion dans le lagon, snorkeling (je suis blasé malgré les fonds incroyables) et jungle (je ronge mon frein).

Fin d'excursion, nous devons rentrer au port.

Je tanne le capitaine pour y retourner. C'est mon rêve, je veux voir si elle a grossi.

Nous y retournons. C'est plus fouilli (à cause du vent) mais toujours la même taille. Je ne sais pas si cela me réjouit ou m'attriste. C'est mort.

Soudain, au loin des surfeurs arrivent à la rame. Nous nous rapprochons avec le bateau. Espoir. Ni une ni deux, je deale avec un australien (à la place du capitaine pris en otage !!) Tu me prêtes ta board 10 min, on vous rapproche de la vague ! L'australien s'exécute, le capitaine aussi. C'est MON jour.


3 - Et me voilà enfin en train de ramer sur une planche et chercher à me placer pour surfer Teahupoo !!

Il y a pas mal de courant. Je ne suis jamais au bon endroit. Ou trop profond et je suis en danger, la vague casse trop rapidement, je risque de manger le reef sous mes pieds. Ou trop éloigné et même en ramant fort je n'arriver pas à me faire embarquer, la vague est trop molle. Surfer nécessite avant tout de comprendre le spot et savoir se placer. 20 minutes c'est court.

Je suis à Teahupoo, c'est une taille acceptable pour mon niveau, j'ai une board et ... suis pas foutu d'en prendre une. Et si j'avais encore 20 min de plus, on ne sait jamais ? Je commence à comprendre où il faut se placer ... J'ai déjà dépassé mon temps imparti quand l'australien arrive à la nage ... "it's time Bro"

It's time mon cul ... reprends-la ta planche !

Putain ! Leçon d'humilié, de self-control ou de "je-vais-me-mettre-des-claques-suis-une-merde" : Frustration Ultime !


Il m'a fallu un peu de temps pour ratterrir, relativiser et me dire combien j'étais chanceux d'être là, chanceux d'avoir été dans l'eau et chanceux d'avoir ramé pour essayer d'en attraper une ... Chanceux d'avoir ces montagnes en point de vue, le reef sous mes pieds ...

Combien j'étais chanceux tout court, dans ma vie ... et enfin transformer cette énergie négative (la frustration) en énergie positive (le contentement - "Santocha").


Voilà ma leçon de vie à Teahupoo.


Merci Aurelia